La pause

Italo De Grandi | Non daté
Tempera sur bois | 96.5 x 72 cm
Période 1929-1939 : Élans juvéniles
Imaginaire | Paysage avec architectures | Personnages
Inventaire IDG_780 | Collection privée
Photo L’Atelier De Grandi

 

Caractéristiques artistiques

Sujet:

Conversation sans paroles d’une tablée d’amis dans le jardin d’un cabanon de vigne imaginaire

“Contrairement à Magritte, Italo ne cherchait aucunement à dégager un message à partir d’une distorsion de la réalité. Bien au contraire, il vénérait le réel et tentait d’en cerner le mystère par une pratique originale et vertueuse de la peinture.
On en veut pour preuve aussi l’étrange tablée au premier plan de La pause, composée de quatre hommes et d’une femme, disposés devant une maison vide en apparence, pourvue d’un escalier au sommet duquel émerge un paysan. Chaque convive, autour de la table, semble pétrifié dans un silence de statue, cependant que l’occasion leur était donnée de libérer la parole. Les regards en coin étant chargés de sous-entendus, le spectateur, toujours en quête de cohérence et d’explication plausible, compose, invente, imagine alors une histoire et confère à la toile sa propriété narrative.”
Christophe Flubacher:  Catalogue de l’exposition “Habiter la modernité” p. 213

Composition:

Superposition | Contre-plongée | Dynamisme asymétrique

Les figures principales au premier plan sont superposées à l’imposant cabanon de vigne au second plan, lui-même superposé au fond composé de vignobles en collines.
L’horizon bas magnifie le cabanon , son arbre et le vigneron, en les projetant haut dans le ciel, occupant plus de la moitié supérieure du tableau.
Situé au centre de l’image la cabanon impose une disposition générale tout à fait symétrique de l’œuvre, lui conférant un caractère statique, voire intemporel. Mais cet immobilisme apparent est mis en tension par de subtiles asymétries qui se répondent d’un plan à l’autre :
– premier plan : l’orientation des corps et des regards des personnages créent par ricochets un point focal sur le personnage féminin situé à gauche, dont le regard est dirigé vers le vigneron du second plan
– second plan : la fenêtre ouverte est située à droite de la façade du cabanon, et le vigneron apparaît à droite de celui-ci : cette orientation est contre-balancée par les lignes de perspective du toit et des murs du cabanon, toutes dirigées vers leur point de fuite commun, décentré vers la gauche, pointant vers les vignobles en collines du fond
– fond : ces vignobles en collines ne sont visibles que sur la gauche du tableau, ce qui compense l’orientation à droite du second plan, et vient fermer en quelque sorte la boucle de ces asymétries en renvoi les unes par rapport aux autres, puisque ce fond est juste derrière le personnage féminin initiateur au premier plan de cette tension en zigzag.
Cette tension  fait circuler l’oeil du spectateur en partant de la gauche en bas vers la droite en haut, puis vers la gauche en bas (dans le sens contraire des aiguilles de la montre) : ce mouvement renforcé par les marches ascendantes de l’escalier, introduit un double dynamisme: ascendant vers l’effort (le vigneron) suggérant l’esprit d’innovation et de renouveau animant ces personnages, et descendant vers la terre (les vignobles en collines) évoquant leur ancrage dans la nature cultivée avec respect

Technique:

Tempera sur bois

Il s’agit ici de Tempera à l’œuf : les pigments de couleur sont ajouté à du jaune d’œuf, constituant des couleurs semi-couvrantes.

Palette:

Dominante : 14469299

Le franc contraste entre les couleurs terriennes et les tons aériens renforce l’assise des personnages dans un environnement idéalisé. La touche en hachures et aplats distincts, adjacents ou superposés accentue encore ce contraste, à la manière d’un Staccato en musique.

Lumière:

Globale

Une lumière globale comprend un éclairage quasi multidirectionnel, presque sans ombres. Dans ce portrait imaginaire, tout est visible au grand jour. Le mystère ne réside pas dans les zones d’ombre ni le flou des formes : il émane de cette lumière aussi globale qu’englobante.

Contexte

Période:

1929-1939 : Élans juvéniles

La main sûre et la vie devant soi ouvrent toutes les perspectives vivifiées par l’avènement de courants artistiques novateurs. C’est le temps de la liberté et de l’audace. Portraits en pied, allégories teintées de symbolisme et de futurisme, mettant en scène des personnages réfléchis, voire extatiques, célébrant la nature cultivée, l’amitié et la famille, dans une sorte de mystique de l’immanence.

Courant artistique:

Surréalisme, voire Nouvelle objectivité, sur fond de Renaissance italienne

Confrontés, en particulier lors de leur séjour à paris, au surréalisme et autres mises en question de la forme et de la couleur, Italo, comme Vincent sur un mode plus onirique, préfère célébrer la réalité du monde plutôt que s’engager dans sa déconstruction au gré des concepts et des esthétiques de la modernité. Bien au contraire, il vénère le réel et tente d’en cerner le mystère par une pratique originale et vertueuse de la peinture, caractéristiques proches de la Nouvelle objectivité, bien que sous des formes délibérément latines, ressurgissant de sa passion pour la Renaissance italienne.

Artistes en relation:

Masaccio, De Chirico

Masaccio pour l’humanité des personnages sans embellissement : ce ne sont ni des aristocrates, ni des magistrats, mais des gens de la terre.
De Chirico pour l’immobilisme ambiant et son bain de lumière intemporelle.

Événements historiques:

Le front populaire en France, le montée du fascisme en Italie et en Allemagne

Les personnage de cette tablée se situe en dehors de ces deux politiques extrêmes : ils s’imposent comme les acteurs unis d’un renouveau, en dehors des gesticulations idéologiques.

Faits de société:

Dépression après le crach de 1929 et invasion de la propagande fasciste

Dans cette période d’extrême insécurité, Italo et Vincent vont opérer un retour aux sources, à leurs sources : l’Italie, sa culture et ses coutumes.
En 1934, ils font un séjour à Florence, où ils absorbent et digèrent tout le foisonnement artistique de la Renaissance, profondément. Cet acquis retrouvé va leur permettre, une fois de retour dans le contexte artistique réactionnaire romand, de créer une peinture originale et moderne, bien que plutôt figurative, échappant aux sirènes réactionnaires et fascistes, ainsi qu’au repli protectionniste autour des valeurs du terroir vaudois, par exemple en présentant ici un vignoble en parchets similaires au Lavaux, mais sous forme de collines piémontaises, baignées de lumière méditerranéenne.

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