Italo De Grandi | 1938
Huile sur toile | 151 x 90.5 cm
Période 1929-1939 : Élans juvéniles
Imaginaire | Paysage | Personnages
Inventaire IDG_754 | Collection privée
Photo L’Atelier De Grandi
Caractéristiques artistiques
Sujet:
“Dans cette grande huile de jeunesse, peinte par Italo De Grandi en 1938, un ciel clair, saturé de bleu délimite et éclaire un arrière-plan de vignobles verts et ocres disposés en terrasses. Ces détails ensoleillés contrastent avec les textures façonnant un personnage énigmatique, assis seul au premier plan , cueillant des poires et des grappes de raisin dans une guirlande de fruits mystérieusement apparus en plein ciel. Ces éléments conjuguent un vaste espace visuel avec une fonction narrative magique et hypnotique. Pourtant le peintre ne se limite guère
au message surréaliste de cette atmosphère. Il se préoccupe de sa réalisation plastique, exprime sa recherche d’une écriture picturale et manifeste son goût pour les perspectives linéaires au service d’une palette personnelle et d’une touche originale. Il en résulte une vision idyllique qui interpelle l’esprit autant qu’elle satisfait les yeux.”
George Field: Catalogue de l’exposition p. 63
Composition:
La figure centrale au premier plan est superposée aux collines au second plan.
L’horizon placé très bas magnifie le personnage en le projetant haut dans le ciel.
“Pour camper son personnage, Italo De Grandi a poursuivi l’idéal vitruvien plaçant la figure humaine au centre et distribuant équitablement les symétries de l’ensemble. L’action et la pensée humaine dominent la scène.”
George Field: Catalogue de l’exposition p. 67
“Par ailleurs cette peinture fait une large part au langage architectural et aux jeux de la perspective linéaire du Quattrocento [Renaissance italienne] : un seul point de fuite, une ligne d’horizon au tiers inférieur (à hauteur du regard) et des lignes de fuites qui convergent toutes vers le centre du tableau. La rigueur de la construction géométrique, [quasiment] régie par la loi du nombre d’or, donne à cette composition un équilibre remarquable.”
George Field: Catalogue de l’exposition p. 70
Technique:
“Italo De Grandi démontre une indéniable virtuosité technique. Celle-ci est si évidente, si consubstantielle à sa démarche esthétique qu’elle fait émerger la Peinture et les Beaux-Arts comme de véritables personnages principaux de cette œuvre.”
George Field: Catalogue de l’exposition p. 67
Palette:
Le franc contraste entre les couleurs terriennes et les tons aériens renforce l’assise du personnage dans un environnement idéalisé. La touche en hachures et aplats distincts, adjacents ou superposés accentue encore ce contraste, à la manière d’un Staccato en musique.
“On retiendra à ce sujet le fin dégradé du ciel, l’effet de clair-obscur positionnant efficacement la source de la lumière, l’expertise dans l’utilisation du cangiante pour le modelé des plis du pantalon ou de la manche, par exemple, de même que dans les ombres soulignant le volume des fruits.”
George Field: Catalogue de l’exposition p. 68
“La reprise des couleurs des habits du protagoniste dans celles du paysage d’arrière-plan installe une symétrie chromatique dans une harmonieuse synesthésie entre l’humain et son environnement.”
George Field: Catalogue de l’exposition p. 67
Lumière:
Une lumière globale comprend un éclairage quasi multidirectionnel, presque sans ombres. Dans ce portrait imaginaire, tout est visible au grand jour. Le mystère ne réside pas dans les zones d’ombre ni le flou des formes : il émane de cette lumière aussi globale qu’englobante.
Contexte
Période:
La main sûre et la vie devant soi ouvrent toutes les perspectives vivifiées par l’avènement de courants artistiques novateurs. C’est le temps de la liberté et de l’audace. Portraits en pied, allégories teintées de symbolisme et de futurisme, mettant en scène des personnages réfléchis, voire extatiques, célébrant la nature cultivée, l’amitié et la famille, dans une sorte de mystique de l’immanence.
Courant artistique:
Confrontés, en particulier lors de leur séjour à paris, au surréalisme et autres mises en question de la forme et de la couleur, Italo, comme Vincent sur un mode plus onirique, préfère célébrer la réalité du monde plutôt que s’engager dans sa déconstruction au gré des concepts et des esthétiques de la modernité. Bien au contraire, il vénère le réel et tente d’en cerner le mystère par une pratique originale et vertueuse de la peinture, caractéristiques proches de la Nouvelle objectivité, bien que sous des formes délibérément latines, ressurgissant de sa passion pour la Renaissance italienne.
“Adoptant un profil légèrement de trois-quarts pour le visage finement dessiné sur un fond de ciel bleu pâle, Italo De Grandi a clairement organisé la présentation de son personnage selon les modèles historiques de la peinture italienne.”
George Field: Catalogue de l’exposition p. 66
Artistes en relation:
Piero Della Francesca pour la composition géométrique:
“Parmi les maîres de la Renaissance italienne, Piero della Francesca a indéniablement marqué de son empreinte les conceptions de la peinture qui guident les premières oevres des deux frères De Grandi. Ainsi la position centrale et déclarative du protagoniste de la Vendange céleste s’apparente à la représentation du Christ dans La Résurrection de San Sepolcro (environ 1460), à ceci près que le Christ représenté par Piero della Francesca lève le bras droit et non le gauche et que la dramaturgie de l’image repose essentiellement sur la position du pied gauche, nu et posé sur le bord du Saint-Sépulcre.”
George Field: Catalogue de l’exposition p. 68
Masaccio pour l’humanité des personnages sans embellissement: ce ne sont ni des aristocrates, ni des magistrats, mais des gens de la terre :
“Italo mentionnait souvent sa fascination pour Masaccio, inventeur du point de fuite et des gradations de lumière changeante instituant la perspective qui fut utilisée par ce peintre pour la première fois en 1420 dans Le paiement du tribut, une fresque, malheureusement détruite mais restaurée en 1980, située dans la chapelle Brancacci de la basilique de Santa Maria del Carmine à Florence.”
George Field: Catalogue de l’exposition p. 71
René Magritte pour les fruits en apesanteur dans le ciel?
Contrairement à René Magritte, Italo De Grandi ne cherche jamais à dégager un message à partir d’une distorsion de la réalité. La connotation surréaliste de la Vendange céleste, qui fait l’objet de la présente analyse, est à rapprocher plutôt du futurisme italien ou du mouvement de la peinture métaphysique de Giorgio De Chirico (1888-1978). Néanmoins, à l’instar de Chirico, Italo s’écartera de tout surréalisme.
Événements historiques:
Le personnage de ce portrait imaginaire se situe entre ces deux extrêmes : il impose sa dignité par son calme et sa stature portant la sagesse de son regard bien au-dessus des vicissitudes quotidiennes, en dehors des gesticulations politiques.
Faits de société:
Dans cette période d’extrême insécurité, Italo et Vincent vont opérer un retour aux sources, à leurs sources : l’Italie, sa culture et ses coutumes.
En 1934, ils font un séjour à Florence, où ils absorbent et digèrent tout le foisonnement artistique de la Renaissance, profondément. Cet acquis retrouvé va leur permettre, une fois de retour dans le contexte artistique réactionnaire romand, de créer une peinture originale et moderne, bien que plutôt figurative, échappant aux sirènes réactionnaires et fascistes, ainsi qu’au repli protectionniste autour des valeurs du terroir vaudois, par exemple en présentant ici un vignoble en parchets similaires au Lavaux, mais sous forme de collines piémontaises, baignées de lumière méditerranéenne.
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